En quittant les Marquises, en faisant cap vers le sud ouest pendant environ 4 jours, on rejoint les Tuamotus. Toujours en territoire français, l’Archipel étend ses nombreux atolls sur plus de 1000 miles. Au bout de siècles, le corail complète sa barrière autour de l’île. Au bout de centaines de siècles, l’océan, le vent et la pluie finissent par la reprendre, ne lui laissant que sa barrière. C’est ça un atoll, c’est ça les Tuamotus. Le sort réservé aux Marquises qui retourneront éventuellement à la mer.
C’est grand un atoll, plusieurs miles de long par plusieurs de large. La dimension de la barrière de corail, c’est la dimension qu’avait l’île jadis. A l’intérieur, un lagon à l’eau cristalline. Pour y pénétrer, il est nécessaire d’emprunter une passe, une ouverture dans la barrière. On doit prêter une attention toute spéciale à la navigation. Les degrés de difficultés sont variables et dépendent du nombre de passes, de leur largeur, leur emplacement par rapport aux vagues et au vent. Une grande quantité d’eau emprunte les passes lors des changements de marées, les courants peuvent y atteindre 6 nœuds ou plus. Lorsque le vent est contraire aux courants, alors les vagues se dressent. Vaut mieux tenter d’entrer dans le lagon à l’étale, entre 2 marées, lorsque les courants sont faibles. Nous ne savions rien de tout cela jusqu’à tout récemment. Du bouche-à-oreille, des lectures nous y ont un peu préparés. Le fruit d’échanges avec d’autres équipages.
Atoll de FAKARAVA (16’03.6S, 145’37.3W)
23 mai
Passe Garue négociée avec succès, notre première. Notre premier lagon corallien aussi. Le 2e plus grand, 32 miles de long par 15 miles de large. Un lac dans une mer. Ancrés dans une grande baignoire. La ceinture de corail brise les vagues et protège les eaux intérieures. On y dort à merveille. On y nage à merveille également. Il ne reste que quelques langues de sable (motus) de l’île qui habitait ici avant. Des gens y habitent aussi, mais pas beaucoup. Ils sont rares comme les perles. Enfin presque. Très aride. Pas de source d’eau douce. Les maisons sont équipées de gouttières qui recueillent l’eau de pluie et l’achemine vers une citerne annexée à la maison. Pas de fruits. Contraste. Nous étions prévenus. On a apporté une bonne quantité de gros et délicieux pamplemousses juteux pour donner en cadeau.
Après une petite escale au village, on met le cap au sud, vers la passe Tumakohua. Une navigation de 30 miles, dans le lagon. Vigie devant pour contourner les patates de corail occasionnelles. On nous a parlé de la Tumakohua. Snorkelling superbe à ce que l’on dit. Et rencontre avec les seigneurs. Ils sont maîtres ici. Ils occupent le lagon.
On savait bien qu’un jour ou l’autre, on recevrait leur visite. On a décidé de provoquer la rencontre, d’aller vers eux. Les spécimens fossilisés sont similaires à ceux d’aujourd’hui. Le design est le même depuis le temps des dinosaures. La nature n’a fait que le peaufiner depuis. Étrange fascination. Se passe de présentation.
La plupart des requins ne peuvent aspirer l’eau pour la faire circuler dans leurs branchies. Ils doivent nager pour la faire passer, pour respirer, sauf dans les passes où le courant fait le travail pour eux. Ils se tiennent donc par dizaines dans la passe sud.
Ici, c’est dessous qu’il y a le plus de rencontres à faire. Plein de poissons aux multiples formes et couleurs. Beaucoup de requins. Ils nagent en permanence autour du bateau. A chaque baignade, ils sont venus nous saluer. On s’imagine que c’est la panique et que tous les poissons déguerpissent lorsqu’un requin se pointe. Pas du tout. La plupart des poissons peuvent esquiver les attaques. Le requin cherche les petits, les vieux et les malades en patrouillant calmement les coraux. Pas payant d’investir ses énergies ailleurs. Tout ce beau monde valse ensemble sous l’eau, jusqu’à ce que l’un d’eux fasse faux pas.
Avant de s’y lancer, on a beaucoup questionné. Beaucoup d’autres y sont allés avant nous (tout comme aux Marquises, important de ne pas se faire manger). Un requin ici, ça n’énerve personne. Requins gris, requins à pointes noires et à pointes blanches. Inoffensifs, à moins d’être provoqués. Impossible de passer inaperçue dans leur territoire. Nous les avons sentis aussi curieux que nous. En nageant, on fait du bruit. Lourd et maladroit, comme un poisson blessé. Ils nous ont maintes fois fait cadeau de leur présence, chaque fois sans se faire attendre plus de 10 minutes. Un système de repérage sans égal.
Une fois le contact établit, attitude passive envers nous. Un regard froid que rien ne semble troubler. Ils ne connaissent pas notre chair ni nos moyens de défense. Pourquoi s’y risquer ? Les rares morsures sont accidentelles et subies par des surfeurs pris pour des phoques ou des pêcheurs qui traînent trop près d’eux leurs prises harponnées.
Quelque chose de nager près d’eux dans la passe. Tout l’équipage a énormément apprécié.
Atoll de TOAU (Anse Amyot, 15’48.2S, 146’09.1w)
30 mai
Petite anse sûrement très jolie et paisible lorsque l’ancrage n’est pas plein.
Atoll d’APATAKI (15’34.1S, 146’24.7w)
3 juin
Passe Haniuru facile, empruntée à l’étale. Cap sur la ferme perlière de la famille d’Assam. Trois générations y travaillent. La perle noire du Pacifique. Un greffeur place délicatement une petite bille dans l’huitre. Celle-ci réagit en enrobant le corps étranger de nacre. Le tout prend de 2 à 5 ans. Sur le lagon, en surface, on reconnaît la ferme perlière aux petites bouées qui supportent les filets contenant les huitres. Assam voit les siennes de sa maison. Il a domestiqué un requin. Une fois le matin et le soir, il s’approche tout près de la plage, presqu’à s’échouer et attend. C’est un requin nourrice, un des rares qui peut “inspirer” de l’eau pour respirer. Assez gros, il fait environ 6 pieds. Il vient au même endroit depuis 8 ans. La famille le nourrit.
Le fils d’Assam nous a raconté qu’avant, sa mère arrangeait ses prises sur la tête du requin installé au fond. Elle laissait tomber la tête du poisson devant l’animal qui l’aspirait d’un coup, sans bouger. Un plaisancier de passage ne pouvant supporter la scène lui fit don d’une planche à découper et la supplia de changer de méthode. On a vu le petit fils d’Assam arranger ses poissons sur un tabouret, le requin immobile à ses pieds. Il n’a pas de nom. Toujours surpris de constater puissance des animaux sous l’eau. Toujours plus fort que la taille ne laisse le deviner.
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