Nous y étions le 20 août.
Beaucoup à voir en Indonésie. Nous quittons Bornéo après une courte escale de 3 jours, cap sur Karimumjawa (5’52E, 110’25S), petite île située à 60 miles de Java, la populeuse. Voir Java et ses temples n’est pas chose simple en voilier. Près de 110 millions d’Indonésiens s’y entasse, regroupant ainsi 60% de la population de l’Indonésie sur 6% de son territoire. L’étude des cartes n’y montre aucun mouillage intéressant. Un ferry relie Karimumjawa à Java, nous tenterons d’y laisser le bateau.
Le vent nous accompagne une fois de plus sur la mer de Java. Passons au milieu d'une horde de bateaux de pêche. On se croirait en pleine ville tellement les lampes qu'ils utilisent pour attirer les calmars dans leurs filets sont fortes. On en compte quinze autour de nous et la lueur émise par plusieurs autres est visible au loin. Arrivons en matinée au terme d’une navigation sans encombre.
Ancrage devant petit village typique ressemblant à ceux vu jusqu’ici. Karimumjawa est une destination vacance pour les javanais. Les pêcheurs amènent les touristes sur leurs bateaux pour des expéditions de snorkelling aux alentours. À part ceux de l’armée et les gros ferry, les bateaux en Indonésie sont fait de bois et assemblés sur une plage. Sans fenêtres, aux teintes colorées et motifs divers, chacun est unique. Vu la disponibilité des pièces de rechange, les pêcheurs sont d’habiles et débrouillards mécaniciens. Naviguer avec eux demande un certain sang froid. Invariablement, ils foncent sur nous pour observer notre bateau de près.
Visite chez les garde-côtes, accueil favorable. Nous pourrons amarrer le bateau à une cabane sur pilotis en face du village. Des filets suspendus autour servent à emmagasiner les poissons tropicaux destinés au marché de Java. Bien que les filets soient à peu près vides, un gardien y dort toujours. Ensemble plutôt frêle, mais la météo prédit du temps calme. Nous quitterons pour 7 jours et paierons le stationnement et le gardiennage à un officier de la garde côtière. Digne de confiance ? Nous l’espérons. Difficile à sonder.
Le prochain ferry pour Java affiche complet, l’autre est dans 4 jours. Trop loin. Pas de problème pour les garde-côtes si la mer est calme, mais il faudra payer le gros prix (20$/billet). Le ferry nous prendra en surplus. On se prépare pour l’incursion. Mode léger, tout l’attirail familial pour 7 jours dans 2 sacs à dos. Nous voyagerons économique avec les javanais, emprunterons divers véhicules de tout gabarit, transiterons par Semarang et Yogyakarta, courrons sûrement pour attraper un dernier bus quelque part, devrons bouger vite et bien.
Laissons Camille vous raconter le reste.
<< Après neuf heures de transport, nous arrivons enfin à Borobudur. Énorme temple de 113 mètres environ de côté, fait de pierre volcanique, il est le plus gros monument bouddhiste au monde. L'attrait le plus fascinant de Borobudur est que sa base est constituée de cinq galeries imbriquées les une dans les autres où sont gravés des bas-reliefs représentant la vie de Bouddha et la vie à Java à cette époque. Il est construit autour d’une colline qui constitue son centre. Le parcours des neufs niveaux a une longueur totale de cinq kilomètres. En plus, ils ont été reconstitués comme dans le temps, à la main!
Pour plus de solidité, chaque pierre du pavé a une forme différente.
En effet, lorsque l'UNESCO a reconstruit le temple, les blocs ont été assemblés sans ciment, les quatre cent soixante et une sculptures représentant Bouddha, les soixante-douze stupas et les mille quatre cent soixante bas-reliefs ont été refaits par des restaurateurs. Les stupas sont des cloches de pierres qui symbolisent la victoire sur la mort. Je vais vous raconter l'histoire de la forme des stupas.
Un jour, Bouddha était assis au centre d’un cercle de moines. Puisqu'il était très vieux, il dit aux moines qui l’entouraient:
«Je veux qu'à ma mort, je sois mis dans un stupa.»
Les moines ne savaient pas ce qu'était un stupa, Bouddha pris sa cape, la posa par terre, pris son bol (il mettait soit de la nourriture dedans, soit il le tendait, pour avoir de l'argent) le posa à l'envers sur sa cape et mit en équilibre sur le bol, son bâton de marche. La cape de Bouddha représente la fleur de lotus, le symbole de la pureté pour les bouddhistes, son bol, la cloche. Voila comment le stupa est né. Depuis, chaque stupa cache un Bouddha. Plus de trois cent sculptures représentant Bouddha sont endommagées. Il y a deux raisons. Soit que certains morceaux ont été volés (d'habitude, ce sont les têtes) même s’il y a des gardes à l'entrée, soit qu'une catastrophe naturelle les a détruites.
Les moines bouddhistes viennent rarement prier dans ce temple parce que l'attraction touristique y est très forte, mais quand ils y vont, ils le montent avec une technique spéciale. D'abord, ils font le tour de toutes les galeries avant de monter un étage et à chaque trois pas, ils baisent le sol. Pourquoi ce procédé? Parce que l’étage le plus haut représente le Nirvana (leur paradis) et le Nirvana est dur à atteindre. Moi et Maman avons fait ce procédé mais nous n'avons pas baisé le sol… En 1990, 2,5 millions de touristes visitaient ce temple, donc imaginez le nombre aujourd'hui!
Voici quelques photos :
Je laisse la parole à Rosemarie.
« Je vais vous raconter la fable des bas reliefs ci-dessus, qu’on peut retrouver chez La Fontaine.
La voici : Le lion affamé avala goulument une gazelle, plus tard il sentit un os dans sa gorge, appelant à l’aide, il fit une offre. Quiconque l’aiderait aurait une récompense. La cigogne avide accouru, lui enleva l’os et demanda sa récompense. Le lion répondit, « Je t’ai laissé la vie sauve en reniant l’idée de te manger pendant que tu m’enlevais l’os, c’est ta récompense »
La morale de l’histoire est de ne pas aider quelqu'un en espérant obtenir une récompense.
Rosemarie. »
Les scientifiques estiment que Borobudur aurait été bâti il y a mille deux cent ans, un peu avant le temple hindou de Prambanan.
Dans les envions du temple, nous avons vu un spectacle traditionnel avec la musique Gamelan, les chants et les danses.
Je vous montre.
Ensuite, nous nous apprêtions à partir lorsque nous sommes tombés sur...des éléphants! J'en ai même caressé un! Peau rugueuse et ridée, grand de douze pieds au moins, petits yeux amicaux, grandes oreilles cartilagineuses, longs poils hirsutes de couleurs rousse, gros pieds ronds munis d'ongles de la même forme, trompe puissante, bouche triangulaire, large front plat... Les éléphants qui vivaient là étaient traités comme des pachas. Ils avaient de la nourriture à profusion, sortaient faire des défilés assez fréquemment, ce qui faisait office de promenade, et se faisaient laver chaque jour. Mais malgré celà, une des éléphantes était malheureuse. Elle me l’a fait remarquer quand elle m'a lancé de l'eau boueuse dessus... J'ai quand même aimé les regarder.
L’aînée et sa plus récente oeuvre.
A l'un des hôtels où ma famille séjournait, un spectacle de marionnettes d’ombre fût donné. C'était beau (malgré le fait que nous ne comprenions rien). Un javanais nous a résumé l’histoire en anglais. Les marionnettes à elles seules valaient la peine d'être regardées. Construites à la main sur des morceaux de cuir, elles étaient très détaillées. En voici quelques unes.
Escapade dans les champs de tabacs et de soya avoisinants, petite leçon de poterie au passage.
Après trois jours, nous disons adieu à Borobudur à contre cœur et nous partons pour Prambanan. Nous sommes restés moins de trois heures au temple. J'ai trouvé que l'architecture de ce temple hindouiste était plus harmonieuse que Borobudur. Je préfère les rondeurs que les carrés ou les rectangles. Par contre, la religion bouddhiste semble plus… sensée que la religion hindou, à mon goût.
Prambanan
Dans la même ville, il y avait le palais du sultan actuel, le Kraton. Naturellement, nous sommes allés regarder son architecture et son magasin de batik. Nous avons appris que le sultan avait un pouvoir politique et son peuple l'aimait. Lorsque la visite de la cour royale du sultan fût terminée, nous défaisons notre chemin et regagnons le bateau.
Je vous laisse sur l’ajout des parents qui suit.
Camille >>
Cinq heure le matin, dans la pleine du Kedu, Borobudur s’échappe du brouillard.
300 ans avant la construction de la cité du Angkor, 400 ans avant celle des grandes cathédrales Européennes, dans cette pleine, des milliers de travailleurs aidés d’éléphants, transportaient et sculptaient des tonnes de pierres volcanique, motivés par un formidable élan spirituel. Peu est connu sur l’histoire du temple, de la période où il a été érigé au VIII et IX èmes siècles, jusqu’à sa découverte, si ce n’est qu’il aurait été abandonné autour du XI ème siècle à cause de tensions politiques au centre de Java.
Volcan Merapi vu du temple. A fait éruption en octobre 2010
Découvert en 1815 et restauré à deux reprises depuis, l’architecture et le symbolisme de Borobudur ont suscité de nombreuses interrogations et interprétations. La compréhension de l’architecture et des bas-reliefs a été rendue possible grâce à l’interprétation de lamas tibétains. Aujourd’hui, grâce à notre guide, une petite part de ses richesses nous sera révélée.
Avant la restauration
À vol d’oiseau, l’édifice évoque un gigantesque Mandala de pierre, cosmogramme représentant l’univers et support de méditation Bouddhiste. Un Mandala porteur de l’essence de leur quête. Selon la pensée bouddhiste, l’univers serait divisé en trois sphère, celle où nous sommes contraints par nos désirs, celle où nous les abandonnons mais avons toujours un corps et celle où nous n’avons plus de forme. La première sphère est représentée par la base du temple, la seconde par les 5 terrasses carrées et la dernière par les trois plateformes circulaires et le grand stupa.
Il est un résumé de la doctrine et révèle par la multitude ses reliefs, l’extrême exigence du dépassement de ses propres limites.
Le pèlerin y pénètre par l’escalier est et circule en sens horaire en lisant les bas-reliefs côté temple de droite à gauche et ceux de la balustrade de gauche à droite de façon à ce que le sanctuaire soit toujours sur sa droite. Au fil du parcours, le livre de pierre lui déroule ses épisodes de la vie de bouddha (VI e siècle av. J.-C) et les légendes de ses vies antérieures (jataka), lui enseignant le chemin de la sagesse menant de la vie terrestre à la vision épurée, en passant par les étapes du dépouillement et de la méditation.
Temple Mundut, situé dans le même axe.
Les Bouddhistes ne vénèrent pas de dieu, puisque chaque humain porterait en soi le germe du bouddha, chacun pouvant l’atteindre en développant son esprit, en l’améliorant avec un cœur ouvert et compatissant. Le but étant le contrôle de soi. La pensée bouddhiste propose d’entreprendre un voyage à l’intérieur, vers la conscience profonde, pour une meilleure compréhension de soi et du monde, et apprendre à devenir son propre flambeau.
Ainsi, le fondement de la philosophie Bouddhiste tient en ces deux préceptes : aider les autres ou du moins, ne pas leur nuire.
Le bouddhisme est une religion très liée au raisonnement et à la logique. Le Dalai-Lama affirme que le développement spirituel doit se faire en parallèle à celui de la science. Un écho singulièrement moderne…
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