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Lembata (8’21.7S, 123’25.1E)

 

Village de LAMALERA

Nous y étions le 21 octobre…

Nous empruntons le détroit de Solor avec à babord, Adonara. Les portugais, attirés dans la région par le riche marché des épices, y ont installé missionnaires et canons au 16e siècle. Il y a une église sur la rive, mais son clocher n'atteint pas les montagnes. Là-haut se trouve le domaine de la magie blanche et noire. Coupés du reste, ils partagent une langue unique inintelligible sauf pour ceux des 2 îles avoisinantes. Raids meurtriers y furent pendant des siècles l'affaire de 2 clans opposés, les Demon et les Pajis. Faisait parti d’un rite symbolisant l’opposition entre le bien et le mal, pensent certains anthropologues. Plus tranquille aujourd'hui, mais peu s'y aventurent.

À tribord, Solor. Les portugais sont venus ici aussi, mais on ne voit pas d'église. Plutôt une énorme mosquée à la pointe de l'île. Région fût le théâtre de nombreux combats entre musulmans locaux, hollandais et portugais pour le contrôle des épices. C'était le pétrole de l'époque.

Devant nous, l’île de Lembata. Des villageois y chassent toujours le cachalot. Pêche de subsistance, ils passent sous les traités. Achab, Queequeg et le reste de l’équipage se sont sûrement réfugiés ici. Il est de toute première importance d’aller leur rendre visite. Village situé sur la rive sud de l’île, face à l’Océan Indien et soumis à sa houle. Ancrage intenable, nous devrons atteindre Lamalera par voie terrestre.

Ancrage en face du village de Lewoleba, au pied d'un volcan fumant, le ILi Api. Accueil typiquement Indonésien, super chaleureux. On communique nos intentions, cherchons à louer scooters pour nous rendre à Lamalera. C’est loin, c’est long, la route est difficile qu’on nous répond. Pas d’entreprise de location. Un enseignant nous aborde au petit marché et offre de nous aider. Il arrête deux passants, leur explique. Comme la route est difficile, le double du taux payé habituellement est offert (10$/jour). Ils acceptent, surpris par toute l’affaire. On se casque, on chevauche, on décolle. Nous avons 4 heures à rouler.

Il y a difficile et difficile et il y a différentes façon d’appeler les choses. Selon la classification employée chez nous, ce n’est pas sur une route que nous avançons. C’est plutôt une ouverture. Une voie sur laquelle les arbres et la majorité des obstacles ont été tassés sur le côté. Progression lente qui requière une attention de tout instant. Montagne à franchir, le soleil tape. Sol délavé, couvert de gros cailloux, strié par des rigoles sur lequel l’ascension progresse à pas de tortue.

On croise un indonésie sur un autre scooter, ça encourage. Arrivons dans un village, il y a foule. Corvée pour rénover l’église. Une centaine de personnes acclament les 4 touristes qui se sont rendus jusqu’ici.

Toujours pas Lamalera, faut encore rouler. Nous l’atteignons à midi. Nous ne pourrons demander le gîte, les propriétaires des scooters n’apprécieraient pas. Inconcevable de refaire cette route de nuit. Nous n’avons donc qu’une heure et demie à passer ici avant de devoir rebrousser chemin. Pas de temps pour le diner, comblerons autrement la fin.

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Il est écrit que les gens de Lamalera sont venus ici après qu’une éruption volcanique eut détruit leur île. Ils sont venus sur les mêmes bateaux utilisés pour la chasse au cachalot. Une référence pour la construction de nouvelles embarcations, un lien avec leurs origines, ils ont une grande valeur et sont méticuleusement entretenus. Patrimoine familiale. On raconte que lors d’une chasse qui a mal tournée, 2 bateaux ont été entrainés par une baleine jusqu’au Timor, puis coulés. Les chasseurs ont été repêchés par un bateau de croisière puis rapatriés. Aucune perte humaine, le deuil de 2 mois qui suivit dans le village fut pour les bateaux disparus.

Les autres sont là devant nous, côte à côte sur la plage. Ils sont couverts d’un toit, proue orientée vers le large, prête à être lancée à la vue du premier souffle. Les chasseurs assis ici et là passent le temps.

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Un type nous fait signe de sa maison située en retrait. Il y a un squelette de baleine sur la plage devant. Il parle un peu anglais et se nomme Ernesto. Il est harponneur. Le harponneur se tient sur une petite plate-forme à l’avant du bateau. Lorsque le bateau rejoint la baleine, il saute dessus, utilisant l’effet combiné de la chute et de son poids pour enfoncer le harpon le plus profondément possible. Il est par la suite repêché et le combat s’amorce contre la baleine ainsi accrochée. Il y a courageux et courageux.

La viande est consommée, l’huile recueillit pour éclairer les lampes, les surplus échangés avec les autres villages. Il nous parle, mais son regard louche vers le large. Il surveille. Les baleines y passent lors des migrations annuelles. Nous sommes hors saison et les baleines sont rares, mais ils doivent manger. Ils prennent alors des dauphins et des raies. Il nous offre deux dents d’orques. Nous lui offrons un T-shirt en échange. Ça lui fait plaisir. A son doigt, une bague taillée à même la dent d’un cachalot. 

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Une dame nous invite chez elle. Elle se nomme Agnes. Des pièces de viande, fruit de la dernière chasse, sont suspendues dans sa cour. Elles sèchent au soleil, au-dessus d’une gouttière qui en recueille l’huile. Son mari décédé était lui aussi harponneur. Elle nous montre les Ikats qu’elle tisse avec sa fille. Elle nous montre les boules du coton qu’elle a fait poussé, qu’elle passe au fuseau et au rouet pour en tirer du fil. Elle nous sert un excellent thé et des bananes frites. Nous lui achetons deux Ikats. Elle nous embrasse.

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Les filles distribuent quelques jouets aux enfants que nous rencontrons sur le chemin. Le temps file, devons déjà penser au retour. Course contre le soleil. Croisons un monsieur âgé qui n’a plus qu’un seul bras. Passons devant un autre type sur son balcon, entouré de livres et bordé de tableaux, les siens qu’il dit. Ancien chasseur reconvertit ? Regardez sur la photo la scène qu’il a peinte, imaginez ce qu’il a à raconter. Pas pour nous cette fois-ci, nous devons partir.

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Le retour semble moins long qu’à l’aller, comme toujours. Nous arrivons à notre point de départ, devant le petit marché, avant le couché du soleil. Un des propriétaires se pointe peu de temps après. Un des rétroviseurs a été égratigné lors d’une chute. Nous lui offrons 20$ en compensation qu’il refuse par 3 fois. Il n’accepte pas plus que les 2$ auxquels se chiffre pour lui la réparation.

Ô valeureux scooters, merci de n’être pas tombés en panne là-haut. Glorieux objets dont la bravoure n’a d’égale pour nous aujourd’hui que celle du pilote automatique sur le voilier. Les avant-bras nous piquent des suites de l’effort soutenu au guidon. Ces picotements se feront sentir encore pendant 2 jours.

Camille et Rosemarie sont poussiéreuses mais intactes. De retour sur le voilier, elles nous annoncent calmement ‘Les parents, ça suffit les motos’.

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