20110828

M*****A

GPS (1**'**.**S, 1**'**.**W)
Bienvenu chez Hina, Frankie et Monique. Avant, plus de 150 personnes vivaient à M*****a. On y cultivait les perles et le coprah (noix de coco). Un cyclone est passé il y a une quinzaine d'années et a tout nettoyé. Il ne reste que des vestiges et des poulets aujourd'hui sauvages. Hina, Frankie et Monique y sont revenus pour le coprah. Le prix des perles a trop chuté, ça ne les intéresse plus. Robinson Crusoe, c'est eux. Enfin presque, ils ont un bateau et peuvent quitter mais ne le font pas. Ils vivent le plus simplement du monde, sans électricité ni eau courante.
100_0212                                100_0198
                     100_0214
                                                 100_0223
100_0239                     100_0229
Les frégates
Premier contact avec eux alors que nous marchions sur un motu, les yeux fixés sur un dense nuage d'oiseaux au-dessus.
« Les œufs sont prêts ? Très bons les œufs de sterne. Tu le mets à la mer, s'il coule, tu peux le manger. S'il flotte, il y a quelqu'un à l'intérieur. » Voici Hina, la chasseuse.
Les œufs sont par terre, à même les cailloux. Les sternes impassibles nous regardent de là-haut. Ils testent positifs, sommes arrivés trop tard, goûterons une prochaine fois.
« Nous allons ramasser les maoas. Vous venez ?
- Bien sûr. »
Pas sûr d’avoir bien compris ce que nous allions pêcher au juste.
Le récif est tout près derrière le motu. Un bassin garnit de patates de corail suivi d’un platier sur lequel s'amorce la quête. On se penche sur quelque chose qui ressemble à un bigorneau et qui s’agrippe farouchement. Ça doit être ça.
« On casse la coquille avec un caillou, on enlève tout ce qui est noir et on mange. Moi je mange cru, parfois avec un peu de citron. C’est très bon. Allez-y, goûter ! ». Voici Monique, la cueilleuse.
Prenons bouchée dans cet amas de chair difforme et grouillant. Le goût est évidemment salé, la texture coriace. Pas vraiment bon, pas vraiment mauvais, certainement nourrissant. On croque l’animal vivant. Quelque chose meurt en nous avec le mollusque. Acte barbare. Les filles en seront-elles capables ? Coup d’œil dans leur direction. Les petits muscles de leur mâchoire sont à se contracter férocement. Elles nous regardent les yeux ronds avec ce petit air qu’elles affichent lorsqu'en territoire inconnu.
« C’est bon ! On peut en avoir d’autres ? »
Pas de problèmes, ça pleut.
 
100_0276    100_0309
Maoas
100_0270   100_0287
Le platier aux maoas
100_0241      100_0251
Les sternes
Nous rapprochons le bateau de la maison d’Hina et retrouvons un autre voilier ayant également franchit la seule et unique passe impossible donnant accès au lagon, le Phoenix. L’Églantine se joint à nous peu de temps après. Échanges deviennent rapidement familiers.
Invitation chez Hina pour le souper. 12 convives. Invitation comme ça à la dernière minute, en plein air au bord du lagon. Pas évident de préparer repas pour plusieurs en peu de temps. Pour eux cependant, avec les moyens dont ils disposent, ça l’est.
Entre en jeu Frankie, le contenté. Lorsqu’il n’est pas occupé à parler, les traits de son visage s'organisent invariablement en un large sourire polynésien bienveillant, son air naturel. Des yeux rieurs, des cheveux grisonnants, des mots justes assemblés en propos toujours pertinents.
Il vient vers nous assis sur son outil. Des pièces d’acier encadrées par des roues, bordées à l’avant par une pelle et à l’arrière par un moteur. Un moteur éternel que l’on démarre à la manivelle et qui ne demande qu’un peu de diésel de temps à autre. L’assemblage paraît plus vieux que l’atoll, mais il fonctionne. Il s’en sert pour transporter les noix de coco. Aujourd’hui, il nous transportera plus loin sur le motu pour une partie de chasse sous-marine. On grimpe dans la pelle pour aller harponner le souper.
La chasse fut bonne. La chasse est toujours bonne, l’atoll est grand pour 3 personnes. Au retour, on s’arrête près d’un citronnier, d’un papayer, d’un cocotier et on cueille. A chaque arrêt, Frankie fait l’éloge du fruit, explique quel plat il agrémentera, appuie l’index sur le pouce et les embrasse comme le font les Italiens. Très large sourire. Frankie est bien ici. Frankie est bien tout court.
Ce qu’on a préparé tous ensemble ce soir-là sur la plage :
Poisson cru au lait de coco:
- filet de poisson perroquet coupé en fines lamelles
- cœur de palmier fraîchement coupé
- lait de coco (noix finement râpée et pressée pour en extraire le jus)
- ail
Poisson grillé sur feu de noix de coco
- rougets
- poissons chirurgiens
- perches
Maoas sautés
- mollusques qui collent aux parois du récif et qui goûtent vraiment meilleurs cuits que crus
- papaye verte en lamelle
- jus de citron
- jus d'huitre (intrus ! importé en bouteille d'ailleurs)
Pain
- farine
- sucre
- coco finement râpé
- lait de coco
- eau, le tout mis en galette, enveloppé dans feuille d’arbre et déposé sur le feu.
Bière à la noix de coco
- sucre
- levure
- eau de coco, le tout fermenté dans bidons de 20 litres...
Beaucoup de gentillesse. On veut rendre un peu. Demain, on bosse en famille sur le coprah. Ça marche bien, sourires, fardeau allégé pour Hina. Pour se désaltérer, on perce des noix vertes et on boit l’eau de coco. Légèrement sucré, soutenant.
 
100_0389               100_0380
                   100_0002              100_0381
                                     100_0340
                                                            100_0356
                                     DSCF0728                                         
100_0328                  DSCF0734              
                                                                                Hina
A l’origine greffeuse de perles, elle vit désormais du coprah. Chasseuse au harpon au tir infaillible de jour, elle le troque pour la guitare qu’elle accompagne de chants polynésiens parfois le soir.
Qu'allons-nous manger ce soir ? L'équipage du Phoenix pêche la carangue à la traîne dans le lagon, celui d’Églantine s'affaire à attraper des crabes de cocotier. L'équipage du Dorénavant est un peu partout. Je repense à ces poulets. Depuis mes plus lointains souvenirs au menu hebdomadaire sans que jamais j'aie eu à en attraper un. L'heure est venue. Fronde en main et pas feutrés dans la cocoterais. Valse à distance avec les poulets. Je ne peux m'approcher qu'à 20 pieds de l'oiseau. Ça fait longtemps, mais tirs quand même pas trop imprécis. Tirs cependant successivement évités, changement de stratégie. Camouflé derrière cocotier, je bondis et tente de tirer avant l'envol. Manqué, manqué 3 fois. Élastique cassé, orgueil écorché. Après 2h de bonds et d’embuscades, la faim n'a plus rien à y voir. Nécessaire de réarmer. Qu’avons-nous à bord ? Poulets trop rapides pour la machette, lance-fusée de détresse risque de mettre le feu à la cocoterais. Essayons le fusil-harpon, beaucoup de succès avec le poisson. Mélanie partie pêcher avec le zodiac. Comment retourner au bateau ? Églantine a laissé son kayak sur la plage, aller-retour. Fusil-harpon chargé, élastique étiré au max, cran de sécurité retiré. Acheté à Panama, il fait 4 pieds de long. Capable de tirs à haute vélocité. Hi, hi, hi...
Cot..cot...cot.
Pas de réponse.
Cot...coooooot...cot?
Plus de poulet, ils ont quitté la cocoterais. Je m'enfonce dans la brousse. J’avance lentement, le plus silencieusement possible, à demi accroupi, à l'affût. Le ridicule m'envahit un instant, un très court instant interrompu par un gloussement tout près. Le son réveille en moi souvenir trop lointain de poulet BBQ, frites, salade de chou. Tension monte, cherche terre de la main pour camoufler mon visage, que du sable à mes pieds. Prend fusil-harpon en joue en tentant de contourner le bosquet. Impossible de m'approcher, poulets se faufilent dans le branchage. Impossible de tirer, trop dense. Défense infaillible contre le harpon. Comment ont-ils su ? C'est sûrement les sternes, elles m'ont vu revenir en kayak. Le soleil se couche, l'élastique se détend, le menu change. C’est fort un poulet, une proie redoutable. Et ça vole en plus. Compte à régler.
Les pêcheurs de carangue revinrent satisfaits. Ce soir-là, chaque équipage apporta un plat à partager pour accompagner le poisson. Frankie apporta en plus son 20 litres.
Autre journée. Nous furent tous impliqué dans une grande chasse qui, pour certains d’entre nous au sens de l’orientation complexe, s’étendit sur une partie de la nuit. C’est avec grand plaisir que nous vous en présentons le fruit, le crabe des cocotiers. Grosse bête qui se nourrit de noix de coco. Genre d’hybride entre un homard, un crabe et une araignée, assez puissant pour briser une noix. Il se cache dans la forêt le jour et grimpe aux cocotiers la nuit pour se nourrir. Tout son corps est protégé par une carapace, sauf son abdomen. Triste oublie, délicieux contenu. Après avoir retiré les intestins, on place le reste de l’abdomen au réfrigérateur. C’est figé le lendemain et ça se déguste comme du foie gras. Pour les pinces et le reste, on apprête comme un crabe de chez nous. Comme dirait Frankie, c’est bon.
Demain, il doit aller à Maupiti régler certaines formalités, coprah oblige. Frankie et Monique ont un bateau, un poti marara, une grosse chaloupe de 25 pieds. Nous l'aidons à charger. Courageux. Le trajet est long, 100 miles en pleine mer dans une embarcation ouverte. Ils font la route depuis 10 ans.
Nous aussi on est parti, mais en direction inverse, toujours vers l’ouest. Malgré une météo favorable, nous avons cependant jugé plus prudent d’attendre encore quelques soupers pour lever l’ancre.
                             100_0050                      
                             Crabe des cocotiers

DSCF0712                       DSCF0722
                                                                                     Départ de Frankie et Monique

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire