Les îles sont relativement jeunes et les différences entre les espèces continentales et les mêmes qui ont élu domicile ici sont étonnantes et clairement observables. L'environnement exerce ici des pressions différentes qu'en Amérique. Il y a façonné des espèces uniques. C'est ici que la nature a inspiré à Darwin sa théorie sur l'évolution des espèces par la sélection naturelle. Il y a passé 5 semaines et à écrit son fameux livre 20 ans plus tard. Les premiers à avoir écrit sur les Galapagos les ont nommé Islas Encantadas, les îles enchantées. L'archipel fait partie du patrimoine mondial de l'Unesco avec tout ce que cela implique: inspections, restrictions et tourisme. Sauf permission spéciale et coûteuse, les voiliers ne peuvent s'ancrer qu'à San Cristobal. Pour voir les autres îles, il faut prendre des tours organisés. Trop cruel pour nous.
Les fleurs de ces cactus poussent plus hautes sur les îles où il y a des tortues. |
Fleurs d'Opuntia |
Car ici, il y a des cormorans qui ne volent pas. Il y a des poissons à profusion près des côtes, pas de prédateur, pas nécessaire de voler, plonger suffit. La nature lui a donc pris ses ailes. C'est un peu chien non ? Que dire de l'iguane ? Descendante du Tyrannosaure Rex, désormais petite et édentée. Ses petits se font bouffer par les oiseaux. Et les tortues géantes ? En mode protection, tous membres rétractés, il est possible de s'installer dans les ouvertures et d'y tailler des morceaux de viande à la hache. Et les requins marteaux ? Il existe ici des tours organisés pour aller en groupe plonger dans des bancs de requins marteaux. Sont-ils à ce point repus ? Tous ? Qu'est-ce que les îles enchantées leur ont fait ? C'est leur faute la tête ?
Fido |
Ca fait peut-être trop longtemps qu'on est ici. Les îles commencent à nous affecter nous aussi. Nous devions être partis depuis longtemps mais Camille s'est cassée le bras (récit plus bas). Elle s'en sort comme une grande et dans le courage. Son plâtre s'effrite et notre ancre chatouille. L'équipage a donc travaillé à se mettre en mode grand large. Notre prochain bond sera grand, environ 21 jours pour rejoindre les Marquises. Il y a longtemps qu'on y pense, nous y voici presque. Important bien évidemment d'arriver corps et bien à bon port, mais tout aussi important que le tout se fasse dans le confort. On le fait pour s'amuser. La chasse aux temps morts et autres facteurs pouvant affecter le moral à bord est donc ouverte depuis le début de notre voyage. Nous pensons avoir trouvé la formule et celle-ci dépend dans une certaine mesure du bon fonctionnement d'une série d'équipement que nous sommes à réviser une toute dernière fois. La bouffe est primordiale, la viande périssable et la pêche incertaine. Mélanie a tout sous contrôle. Saviez-vous que les œufs se conservent sur le comptoir plus de 1 mois ? La clé ? Ne pas les réfrigérer entre la poule et la maison et avoir le courage de manger le premier. Nous en avons d'autres du genre. Encore quelques heures et hop. Grand départ prévu vers 18 :00 aujourd’hui.
LA FRACTURE
Nous étions à faire les courses dans le village lorsqu’en passant le coin d’une rue nous apercevons Rosemarie. Elle discute avec 2 dames, elle est agitée. Camille n’est pas avec elle. Curieux. Camille est toujours avec elle ou toujours avec nous. Rose nous aperçoit et court vers nous en pleurant.
- « Rose, où est Camille ? »
- « Au parc, son bras est tout plié ! Elle a sauté de la balançoire, elle est tombée sur le ventre, je vous cherchais !».
En courant vers le parc, les faits défilent : bras tout plié, fracture avec déplacement, douleur intense, urgence d’agir, orthopédiste, chirurgie, Galapagos. On est aux Galapagos, pas vu d’hôpital dans le village. Pas du genre qu’on connaît. Genre de scénario discuté lorsqu’on planifiait le voyage. Genre qu’on voulait éviter. Nous voilà dedans. On ne peut pas réparer nous-mêmes.
Pas de Camille au parc. Un type nous fait signe. « Hôpital !, hôpital ! ». Il pointe dans une direction, on court. Pas le genre d’hôpital que l’on visite chez nous, le genre que l’on voit à la télé dans les camps de réfugiés. Contraste frappant avec la qualité des aménagements portuaires où se concentrent les touristes.
Bien sûr, Camille a très mal. Elle fait de son mieux pour se contenir du haut de ses 11 ans, mais son bras est vraiment mal en point. Double fracture, radius et cubitus. « Son bras avait comme 2 coudes ! » commentera plus tard Rosemarie.
Mobilisation rapide, les gens ne vivent pas très loin. Ils sont arrivés habillés comme ils l’étaient : t-shirts et jeans. Pas de sarrau blanc, pas de stéthoscope au cou. Difficile à sonder, pas moyen de se rassurer. Camille a peur que son bras reste ainsi. Elle souffre beaucoup.
« Il est nécessaire de faire une traction pour replacer son bras. On doit procéder à une anesthésie générale. A quand remonte son dernier repas ? »
Derrière le médecin, un mur sale et fissuré. Sur la table, un 4 litres d’eau vide qui sert à recueillir les seringues usées. Sur le plancher, un insecte. Pas d’eau courante ce soir. Frissons.
On tente d’oublier le décor et on focus sur les gens. Ils ont un air grave, mais ne sont pas nerveux, bien. Anesthésie générale. Conséquences maintes fois pires que la fracture si c’est mal fait. Chez nous, faut étudier longtemps pour faire ça. Combien de temps ici ? Comment choisit-on qui devient médecin ?
On passe en rafale les options. Seul hôpital sur l’île, pas de vol avant demain matin. Camille a très mal. Faut agir maintenant. On laisse faire le personnel. En fait, pas exactement. Notre participation est requise.
« Voici une prescription pour les médicaments et le matériel nécessaires à l’intervention. Vous en trouverez une partie à la pharmacie de l’hôpital et l’autre, à la pharmacie au coin de la rue.»
Course jusqu’à la pharmacie de l’hôpital (pharmacien, sarrau, good) et course jusqu’à la pharmacie au coin de la rue (jeans et t-shirt à manches coupées).
« Nous n’avons pas celui-ci, essayer l’autre pharmacie à l’autre coin de rue ».
De nouveau course, achat et course vers l’hôpital. Espérons qu’on nous a donné les bons produits.
Camille passe du lit à la civière et nous roulons tous ensemble vers l’intervention.
Au moment où l’infirmière barre de son bras le chemin de la salle d’opération, au moment où ils passent les portes seuls avec notre fille, on cherche les yeux du doc et lui décochons un regard qui implore l’exercice du plus haut niveau d’attention. On serre les dents, rien à faire de plus.
Camille s’est réveillée 2 heures plus tard. Son bras était droit et plâtré. Elle n’était plus souffrante. Merci.
Suivant leurs conseils, nous avons pris l’avion vers le continent le lendemain matin. Camille fut évaluée par un chirurgien orthopédique à Quito (capitale de l’Équateur). Le travail fut bien fait, pas besoin de mettre de vis dans son bras, rien à ajouter. Merci.
De retour à San Cristobal, un jeune yo, bedaine à l’air, calotte à l’envers passe à côté de nous sur le trottoir. Il jette un regard par-dessus son épaule vers le plâtre de Camille, sourit sans nous regarder et hoche une tête contentée en continuant de marcher.
« C’est lui qui m’a amenée à l’hôpital !».
On va devoir le remercier lui aussi avant de partir.
Iguane marine |
TSUNAMI
La vague prend de l’ampleur le long de la côte, lorsque la profondeur d’eau diminue. Au large, le phénomène passe inaperçu. C’est contre-intuitif mais en bateau, faut prendre le large lors d’une alerte au tsunami. Si on n’en a pas, alors il faut monter en hauteur. C’est ce que les autorités ont fait à San Cristobal. Tout le monde en haut, les bateaux en dehors. On évacue. Il s’est écoulé environ 15 minutes entre l’alerte et notre départ. Après 45 minutes, nous avions 1000 pieds d’eau sous la quille, nous étions en sûreté.
Il était environ 9:30, la vague était attendue à 17 :30. Une journée en mer à faire l’école. Nous parlions régulièrement aux autres bateaux via radio et échangions sur les impacts potentiels. Tous étaient unanimes, on ne devrait rien sentir. L’attente ne fut donc pas angoissante et le tsunami passa effectivement comme un voleur. Nous avons eu l’autorisation de regagner le port à 20:30. Beaucoup de débris végétaux dans l’eau et quelques affiches arrachées au bord de la plage. Retour complet à la normale le lendemain matin.
Dorénavant |
À moteur entre Panama et les Galapagos |
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