20120729

Madang (5’ 12.1 S, 145’ 48.3 E, 8 juin)


Nous devions décider, entrer en Indonésie en passsant par le nord de Irian Jaya ou bien emprunter le détroit de Torres au sud. L’équipage opte pour Irian Jaya et ses trésors, la vallée de Baliem et la rivière Sepik. Arrivée à Madang pour les formalités d’entrée, nous offrons gros barracuda attrapé au petit matin à une femme qui pêche avec ses enfants dans le port. Avons pris l’habitude de demander aux locaux s’il est comestible ou non, ça dépend des régions. A constater sa maigre récolte, ça fait plaisir de lui laisser. À elle aussi.


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Le poste douanier est plein à craquer de chinois et de philippins. Il y a eu une descente dans un camp de bûcherons au nord, nous sommes entourés de sans-papiers et de policiers lourdement armés. Débordé, le douanier nous invite à revenir en fin de journée. Nous faisons part de notre projet de remonter la rivière Sepik avec le voilier.

"Not a good idea. Election period in Papua New Guinea. There might be problems”.
Ouch. Nous planifions la route et les ancrages, tenons compte des vents, du courant, des récifs, du ravitaillement mais pas de l’agitation potentiellement liée aux périodes électorales.

La rivière est sauvage et loin des villes. Les tribus qui y vivent selon les vieilles coutumes ne doivent être que peu impliquées dans les affaires politiques. Le type est visiblement fatigué, semble embêté par les procédures d’émission de visa pour nous. Il veut se débarasser de nous rapidement. Une 2e opinion est nécessaire. Cette rivière magique est la demeure de papous depuis 40 000 ans, ça vaut la peine d’essayer. Certains voiliers l’ont remontée jusqu’à 50 miles dans les terres.

Incursion en ville, on doit se rendre à la banque pour faire le plein de Kunas ($). De chaque côté de la porte menant au guichet, un garde armé d’un calibre 12. De l’autre côté de la rue, un tout-terrain plein de policiers dont les vitres sont couvertes d’un gros grillage métallique. Devant le véhicule, un gros arbre plein de chauve-souris roussette. Elle peuvent atteindre 2 mètres d’envergure. Les gens dans la rue ont la bouche et les dents rouges des mâcheurs de bitternut.

Un air étrange plane sur cette destination touristique. C’est le maillon touristique que nous utiliserons pour valider les dires de notre douanier. Visitons ce qui semble être l’agence touristique du coin.

“Election period. Going to be hot here in Madang in the coming weeks. There might be problems in the Sepik, fighting in some villages, but foreigners should be left alone.”

Visite au superbe “Madang resort” qui organise parfois des visites sur la Sépik pour ses clients.

“You should be ok, but before going too far up, you should stop in the 1st village you see, Kopar, and enquire about the situation with our contact there. His name is Wesley. He’s an elder on the village council”.

“Sounds like a plan ! Thank you.”

Mélanie dit que les gens lui font de beaux sourires en ville. Moi, on me lance des regards de guerriers. Plus de barracudas à offrir.
 
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Dans un parc, une petite foule écoute le discours électoral enflammé d’une femme en costume traditionnel. Magnifique costume accompagné d’une coiffe ornée de plumes d’oiseau. C’est pas très gentil ce qu’elle dit, ça fait pas Ghandi ni Dalai Lama. On commence à comprendre le “There might be problems”.

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Quelques candidats aux élections. Il y en a plus d’une centaine. Plein de diesel fait le lendemain et départ pour la Sépik. Premier ancrage en face d’une mission catholique.

Histoire de se changer les idées et pour les amateurs de géologie, les photos ci-bas représentent des terrasses de récifs coralliens longées en chemin. Chaque palier correspond à un niveau de la mer dans les temps anciens. Sûrement riche en fossiles.

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Rivière Sépik, village de Kopar (3.53'9S, 144,31’6E)

Navigation côtière pour se rendre de Madang à la Sepik. Nuit passée à contempler autre volcan en éruption et myriade de feux de camp le long de la berge. En quelle année sommes-nous ? Le millénaire ? Voilier couvert de cendre. Mer des plus clémente.

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Au petit matin, l’eau est passée du turquoise au brun. Nous voici à l’embouchure de la rivière et bientôt ancrés devant Kopar. Conditions de vie difficiles. Boivent de l’eau de pluie et de coco. Subsistance avec le poisson et la pulpe de sago (palmier). La terre autour de leur village est trop marécageuse pour faire pousser autre chose alors ils troquent le poisson contre des fruits et légumes avec les villages en amont. Doivent pagayer 4 heures contre 4 à 5 nœuds de courant pour rejoindre prochain village.

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Élèvent crocodiles dont ils vendent la peau et les dents. Tirent aussi profit des ailerons de requins qui se prennent dans leurs filets, les chinois leur donnent 200$ le kilo.

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Dans la maison du conseil, les enfants et les femmes ne sont pas admis, ce que pourraient y voir ou entendre ces dernières nuirait à la gestation ou l’accouchement…selon les hommes du village. 

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Pas de Wesley, lui et les autres anciens sont en amont. Ils sont réunis pour parler des élections. Nous recevons le fils du chef et un villageois à bord. Ils nous ont apporté gâteau fait à partir de sago. Échange de cadeaux initie échanges verbaux. Histoires en tout genre.

Magie noire toujours pratiquée ici. Rite initiatique nécessaire avant de pouvoir s’en servir. Implique souvent souffrance et violence. Coupures, coups, épreuves dangereuses. Le président fondateur du pays est né ici. Il serait dans son enfance demeuré 2 jours dans le coma après avoir été battu par les anciens de son village. Sa magie noire lui aurait été décisive dans ses négociations avec l’Australie pour l’indépendance du pays…ça joue dur les papous.

Ils nous racontent avoir utilisés la magie noire pour sortir un gros ferry du pétrin sur la rivière. Il s’était échoué sur le rivage.

“I touched the ferry and told it it’s place was not here. I told it it belonged on the sea. I was then able to pull it out with my outboard.”

Impossible à tirer avec un si petit moteur selon eux. Impossible sans magie noire. Pas de détail sur le rite initiatique en prélude. Pas de question de notre part. Un certain tabou aussi entourant les objets utilisés lors du culte. Croyances bien ancrées.

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Les sculpteurs sont renommés sur la Sepik. Ceux de Kopar font des masques cérémoniaux qu’ils portent lors de danses rituelles visant à attirer le poisson. Deux sont toujours à bord et voyagent avec nous. Pêche pas meilleure qu’avant. N’avons pas été initiés.

Plusieurs autres villages en amont. On ne peut imaginer les histoires qui s’y trouvent.

“Is it safe to go up river ?” qu’on leur demande.

“No dangerous, It’s election period. Anything can happen. Some people gang up and take advantage of the situation.”

Le type avait intérêt à ce qu’on y aille, il offre ses services comme guide. Il nous demande de revenir plus tard. Conseil des plus crédible qu’on suivra. On aura finalement essayé trop fort.

Et si on appelait les boys ?

La maison des esprits et la danse du crocodile seront pour une autre fois. Retour en eau salée et cap sur Vanimo pour les formalités de sortie du pays.

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Au comptoir de fruits et légumes, dilemme devant les deux choix possibles : demi chou vert à 4$ et chou chinois au même prix. Dans les étalages on trouve : des boites de corn beef, des ramens, des poches de riz, des sachets de jus Tang, des cannettes de coca cola. Cherchons des œufs, on nous réfère dans quatre épiceries différentes. Pas d’œufs. J’ai vu à quoi pouvait ressembler les temps de guerre. Marché en plein air, pas plus généreux : que du bitternut.

C’est dans le port de Vanimo que les milliers de billes de bois sont embarquées pour la chine. Avec ce qui transit ici, on peut s’imaginer que la population pourrait en tirer un certain bénéfice. Mais non, la misère. On comprend le “there might be problems”.

On ne s’est pas éternisé ici non plus. Après les au revoir aux douaniers, on a pointé sur Jayapura et l’Indonésie, concluant ainsi notre trop courte escapade en Papouasie Nouvelle-Guinée.

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