20111219

TONGA–FIDJI

 
Il y a longtemps qu’on n’a pas écrit. On s’en excuse et on n’a pas d’excuses. Voici septembre et octobre.

TONGA

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Nous entrons dans le Royaume et mouillons l’ancre dans le groupe des îles Vava’u, au nord. Il y a également les Hapai au centre et Nuku’alofa au sud. Un vrai royaume avec un roi qui fit dévier la ligne internationale de changement de date pour que ses îles vivent en même temps que la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Un roi que les femmes et les hommes honorent encore aujourd’hui en revêtant au quotidien une jupe de paille. Un roi encore aujourd’hui ? Ça soulève plein de questions, un roi toujours au pouvoir dans un pays pauvre entouré d’îles décolonisées et démocratiques. Sujet intéressant à approfondir, mais nous n’avons pas eu le goût.

Car l’endroit où l’ancre est tombé, la baie de Lotuma, était protégée de la houle et des vents et bordée d’arbres. Et dans les arbres, il y a des oiseaux. Ça faisait un bail qu’on ne s’était pas réveillé au chant des oiseaux. À Mopélia, les sternes nichaient trop loin pour qu’on les entende et le chant du coq, c’est troublant. Dans la baie de Lotuma, il n’y avait que le doux chant apaisant d’oiseaux non-comestibles. Et pour manger, il y avait un récif tout près. Un récif dont l’accès était gardé par un platier sur lequel les vagues déferlaient. Difficile d’accès, peu visité, intact. Et pour boire, il y avait une cabane car on ne peu plus boire à même la mer depuis Mopélia. La génératrice qui nous permet de désaliniser l’eau a subitement cessé de fonctionner, nous condamnant à l’exil. La cabane n’était pas occupée et équipée d’une grande citerne pour recueillir l’eau de pluie. Nous y avons bu.

Nous y avons également retrouvé le chant des baleines à bosses. De temps à autre, il venait hanter le récif.
Durant notre séjour dans le Royaume des Tonga, nous sommes passés ainsi d’un chant à l’autre sans se poser plus de questions. Avons fait quelques sauts au village de Neiafu chercher du pain et des légumes, avons pêché du poisson et mangé des conserves. Longue vie au roi ?

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FIJI

Arrivée de nuit à Suva, la capitale. Devons franchir passe dans le récif pour accéder au port. N’aimons pas les approches de nuit, surtout en territoire inconnu. La passe est large, mais il fait noir. Des feux d’alignement nous guident sur la montagne ainsi qu’un contrôleur au radio. Beaucoup de lumières sur la côte, plusieurs bateaux mouillés partout. On s’ancre dans un trou. On se réveille entouré de chalutiers chinois et coréens. Quels sont ces mots qui sortent du VHF ? Où sommes-nous donc atterrit ? Flaques d'huile et petits étangs de diésel.

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Hop dans l’annexe.

A terre, Royal Suva Yacht Club et drapeau Fidjien. Sommes bien dans le bon pays. Sur le babillard, blagues sur le requin blanc et record de pêche du club : un requin tigre de 645 kilos. On se rapproche du domaine du grand maître.

Arrêt obligatoire dans la capitale pour recevoir livres scolaires des filles.

« Taxi ! »

Montons à bord. Chauffeur hindou, pare-brise décoré.
- « Good morning sir, to the market please.
- No problem. Where are you from ?
- Canada ».

Sourire radieux du type qui nous colle à l’instant étiquette de maudites bonnes personnes. Nous discutons des chalutiers. Pourquoi ne sont-ils pas Fidjiens ?

Arrivons au marché dans marée humaine. Gare d’autobus à proximité. Des autobus sans fenêtres et décorées. Il y a des allées dans lesquelles s’entassent des boutiques. On y vend de tout, partout, par terre, dans les recoins, pendu aux poutres. Les hindous commercent. Ils en ont bavé dans les champs de cannes à sucre et en ont bavé pour s’en sortir. Aujourd’hui, ils ont le pouvoir économique. Eux, pas les Fidjiens.
On déambule, on a faim. Petit café similaire à chez nous. Nous y commandons des saucisses enrobées de pain et des éclairs pour dessert. Comptoir pour apporter, l’équipage mangera dans la rue. Le type nous emballe les éclairs. Placés sur papier carton recouvert d’aluminium, disposés au fond d'un sac de plastique. On tient les ganses, le tout se transporte sans que les parois touchent au dessert. Ingénieux. Sourires.
Première bouchée ne permet pas d’identifier l’animal mais laisse croire qu’il a passé tout entier dans le hachoir. Morceaux d'os. Au dessert, les éclairs se révèlent être des pains à hot dog fourrés à la crème fouettée. C’est bon quand même, mais tout le plaisir vient du service reçu.

La montre de Rosemarie est en panne. Nous tentons depuis Panama de trouver la bonne pile. Nous contournons un étalage de souliers posés par terre et traversons une boutique pour accéder à une autre, celle de l’horloger. Type remplace la pile, répare le bracelet, met la montre à l’heure, nous donne conseils pour maintenir son étanchéité. Le tout pour 5$.

Marchandise différente au supermarché. Disposition similaire des rangées sur le plancher, mais produits différents sur les étalages. Du camphre et des bougies pour la prière, en spécial cette semaine. Plusieurs images de divinités hindoues offertes dans des cadres voyants. Des produits que l’on retrouve chez nous également, mais que pour l’instant, nous n’avons pas envie d’acheter. Avons le goût à l’exotisme. Commençons simplement. Voici des vermicelles. Sur l’emballage, une photo les présentant sous une sauce blanche avec des noix et des raisins. La recette à l’endos prescrit l’emploi d’un ingrédient inconnu, le ghee. Le ghee est introuvable. Le commis nous dirige vers la section des alcools. Le ghee s’y trouve, derrière le comptoir, derrière un autre commis et à droite du Dom Pérignon.

Qu’est-ce que ce ghee ? Pourquoi toutes ces attentions ? L’étiquette révèle qu’il n’est pourtant pas si cher, ni alcoolisé. Valeur religieuse ? Il y a une vache sur l’étiquette et elles sont sacrées pour eux. Pourtant le lait lui n’est pas gardé. Indiens arrivés ici pour travailler dans les champs en même temps que Fidjien étaient cannibales. Sur l’emballage est écrit « plus vieil héritage indien ». Ya quoi là-dedans ? Y a de quoi s'inquiéter. Commis peu bavard et ne semble pas comprendre qu’on ne comprend pas. Achetons le produit résolu d’en élucider le mystère. Le mystère du ghee.

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« Taxi ! »

- Hello sir, to the Yacht club please ».
- Where are you from ?
- Canada.
- Ah ! Great country. I have a brother that lives there ! »

S’amorce une nouvelle discussion. Ici, les Fidjiens ont la terre mais les indiens ont du chien. Afin de garder le contrôle de leur pays, ils ont jadis voté des lois empêchant les indiens de se présenter aux élections. Le Commonwealth a pris part aux chicanes et Fiji s’en est retiré.

« Who built all this do you think ? » demande le chauffeur indien en pointant du doigt les grands édifices près du port.
« Four generations of Indians. We are part of Fiji as any Fijian now ». Le pays a depuis réintégré le Commonwealth, les indiens font aujourd’hui de la politique, mais les tensions sont toujours vives et tout n’est pas réglé. Ici, ça fonctionne encore à coup d’État.

« Do you know what Ghee is ? » qu’on lui demande.
« Yes, it’s good, you cook with it. It comes from a cow.
- What’s so special about it ? 
Réponse questionnable.

Le lendemain, toujours pas de nouvelles des manuels scolaires. Décidons d’aller voir nous-mêmes aux douanes.

« Taxi ! »

Ici, à bord d’un taxi, les loges sont à gauche du chauffeur. A gauche parce qu’ici, on conduit à droite, ancienne colonie britannique. Grisant, avons toujours l’impression d’être en dépassement. On voyage beaucoup assis à gauche d’un chauffeur de taxi indien de nationalité Fidjienne.

Nous abordons autre sujet qui chicotte. Comment une île tropicale peut-elle embouteiller son eau et l’exporter de part le monde ? Ils n’ont pas peur d’en manquer ? Les Fidjiens eux boivent de l’eau chlorée. Certains guides de voyage recommandent même de la faire bouillir. Qui en profite ? On peut posséder une nappe phréatique ? On se souvient d’un débat similaire chez nous, le Canada avait refusé d’exporter son eau. Le Canada est sur un continent.

Visite au musée Nationale de Fidji. Dans la grande salle, la reproduction d’un catamaran de 100 pieds de long utilisé lors de voyages océaniques par les Maoris. Robuste et bien conçu. C'est sûrement sur un de ceux-là que l'ancêtre de Mme Monette à rejoint les Marquises.

Les armes des guerriers redoutables que furent les Maoris sont exposées, ainsi que leurs ustensiles. Fourchette cannibale d’apparence curieuse, mais sûrement efficace. Design répandu. Récit d’un entrepreneur de Grande-Bretagne. Il s’aventura ici en 1700 quelque chose afin de récolter, faire sécher et exporter des algues et du bois rare. Il ne connaissait personne, ne parlait pas la langue, n’avait jamais vu de visages tatoués et négocia avec les chefs l’emploie de plus de 1000 locaux. Il s’en retourna riche et entier. Ô grand chevalier du capitalisme.

Section consacrée à l’arrivée massive des travailleurs indiens pour récolter la canne à sucre et à leurs pénibles conditions de travail. Aucune mention du Ghee. Ce soir, mardi 27 septembre, nous cuisinerons avec le Ghee.

Le temps est à l’orage, il vente dans la baie. L’annexe tape dans la vague au retour, l’équipage écume. Sur fond gris, le voilier est blanc pur. Nous l’abordons, prêts à finalement communier avec le ghee. La bouteille est là sur le comptoir, l’étiquette légèrement tournée sur le côté. La vache sur la bouteille ne nous regarde pas, mais fixe plutôt la poutre qui soutient la base du mât. Ou bien la poignée de porte de notre cabine, pas sûr.

Préparatifs gastronomiques. Gamelle étendue, accompagnements soigneusement préparés, recette suivie mot pour mot. Ne reste que le Ghee. Sur le brûleur de gauche, un chaudron contenant la mixture décrite sur la recette : lait bouilli et raisins. A droite, une casserole destinée à recevoir le ghee et les nouilles. Jaune et motoneux, le ghee glisse de la bouteille à la casserole, passant derrière la vache indifférente. Le liquide chauffe, les pâtes suivent, ça crépite, une fumée noire se dégage, ça calcine, les nouilles sont transférées à gauche dans un geste d’urgence et vont s’éteindre dans le lait. Mystère résolu, le ghee n’est pas religieux, il est dangereux. C’est bon quand même, mais tout le plaisir vient du regard amusé de Rosemarie et Camille.
Les manuels scolaires arrivèrent, accompagnés de leur lot de dédales administratives que nous surmontâmes, pour le salut de nos filles. Plein de ville effectué, cap mis vers les îles en périphérie, après quelques escales le long de la côte de Viti Levu où nous retrouvons nos copains du Myriam.

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Le groupe des Yasawas. Nous jetons l’ancre devant le village de Waya. Dans les îles, ça fonctionne encore comme ça fonctionnait avant. D’abord et avant tout, essentiel de se présenter devant le chef pour la cérémonie du sevusevu. Il nous accueille chez lui. Nous nous asseyons par terre, formant un cercle. Il nous demande d’où l’on vient. Vous connaissez la réaction.

Brève discussion. Nous lui présentons des racines de kava, comme c’est la coutume de le faire, comme on nous a dit de faire. Il les prend et les dépose devant lui, signifiant notre bienvenue. Il baisse la tête et se met à réciter ce qui nous semble être une prière dans sa langue. Il lève la tête et nous sourit. Il nous invite à visiter son village, ses collines, ses eaux. Selon la tradition, nous sommes désormais sous sa protection personnelle pour la durée de notre séjour dans son village.

Les racines de kava, on les écrase pour en extraire le jus. Potion aux effets singuliers qui ne ressemblent en rien à ceux de l’alcool. D’une seule gorgée, la langue pique et les gencives s’engourdissent. Rien d’euphorisant, on a progressivement l’impression qu’il nous manque des membres. À consommer avec la plus grande des modérations, sauf si on est au menu. Le cas échéant, ajouter du Ghee.

De mouillage en mouillage, nous avons exploré les Yasawas, la splendeur de ses baies et montagnes. Au fond de l’une d’elle, la carcasse d’un chasseur allié de la 2e guerre mondiale. Le pilote l’a bien choisit, enclavée et peu profonde. S’en est-il sorti vivant ? Poisson scorpion et poissons clowns gardent aujourd’hui les restes de son avion.

Une autre baie, Sawa-I-Lau, est le théâtre de prouesses nautiques. Fruit du hasard, quelques équipages avec moussaillons se rejoignent le temps d’un après-midi pour jouer dans l’eau. À tour de rôle, les papas tirent en annexe la marmaille accrochée à divers corps flottants.

Le choix de notre fenêtre météo s’est arrêté. Guidé par Bob le météorologue, nous avons mis le cap vers les hautes latitudes le 24 octobre. Traversée plus compliquée que les autres étant donné les vents de face et les eaux tempétueuses. Belle fenêtre que ce fût finalement. C’est l’été australe et la saison des cyclones dans le Pacifique sud de décembre jusqu’à la fin mars. Nous la passerons ici, protégés par la Nouvelle-Zélande.

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1 commentaire:

  1. Oyez L'équipage du Dorénavant,
    Merci de partager votre aventure avec nous, c'est vraiment génial!
    C'est pas facile de tenir un journal de bord à jour, c'est beaucoup de travail, ça demande du temps qu'on a pas toujours. La famille Haag vous dit merci pour ce beau cadeau et vous souhaite de passer un beau et bon temps des fêtes. Tous nos voeux de santé, bonheur, que le goût de l'aventure continue de vous habiter et que l'océan vous soit accueillant jusqu'à la fin de votre périple !
    Joyeux Noël et bonne année
    Stef, Sandra, Béa et Phélix

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